[Confédération][3] Semper et Ubique
Par : Gregor
Genre : Science-Fiction , Action
Status : C'est compliqué
Note :
Chapitre 12
Publié le 20/10/13 à 10:37:53 par Gregor
L'étoile de Barnard semblait ne jamais vouloir se coucher. Au dessus du lagon, vers cet ouest imaginaire que les cartographes avaient décrété par esprit de convention, la rotondité incandescente lançait ses derniers feux empourprés sur l'eau et le sable noir, dans le flux et le reflux des vagues étirés en minces bandes d'eau bordées d'écumes. Cette plage incarnait à elle seule le cliché vieillissant des quelques paradis terrestres perdus, lieux d'idylles et de repos de ce que les Hommes avaient connus avant la guerre. La Confédération avait oublié la notion même de vacances, et ces îlots étaient souvent retourné à l'état d'abandon. Guillhem n'en avait jamais vu que de vieilles photographies et quelques vidéos aux couleurs flétries. Longtemps, il avait imaginé qu'un jour, bien plus tard dans sa vie, il en foulerait le sol. Il aurait retirer les lourdes bottes qui déjà dérangeaient ses pieds dans les classes préparatoires de l’Académie. Il se serait rué dans l'eau tiède et salée, bercé par le chant éternel des alizés sous un ciel bleu et infini. Une impression d'intemporalité et de perpétuel présent aurait alors surgit pour ne jamais repartir. Guillhem se serait arrêté ici, sur un confetti blanc piqueté de verdure, une pause qui n'aurait jamais cessé.
Les balises radios planté dans le sol aurait pû être les totems d'une modernité aux dieux étranges. Un grésillement continu emplissait les écouteurs et les senseurs auditifs. Avec ironie, Guillhem songea que la voix des morts pouvait très bien ressembler à ce bruit blanc, sans but, qui toujours accompagnait les guerriers dans leur œuvre, où qu'ils aillent. Et que les prières, les génuflexions, les attitudes pieuses et les superstitions ne constituaient qu'une robe de cérémonie pour une prêtrise dont la religion n'aurait pas su le vêtir autrement. Rendre hommage aux disparus lui avait paru évident au début, mais les litanies qui s'égrenaient dans l'air fraîchissant depuis près de deux heures le rendait plus enclin à la sobriété et au recueillement silencieux, à la solitude que rien ne peut apaiser ou faire disparaître. L'effet de groupe qu'il observait d'un œil discret l'en aurait presque rendu malade. Mais il ne pouvait ni ne devait en aucun cas venir perturber le cérémoniel. Aussi futile trouvait-il cette pompe, il ne pouvait que comprendre l'horrible nécessite du sacrifice que représentait les vies perdues, les soldats et les frères d'armes à peine entrevus dans la navette et dont toute la teneur de leurs vies n'était qu'un épais mystère. Il éprouvait un respect certain et une empathie étrange pour eux. Ils ne s'étaient pas battus, mais ces militaires là se voyaient gonflé d’orgueil et d'honneur par leur disparition. Une situation étrange, que Guillhem n'avait jamais observé, jamais interprété, et qui devait pour toujours modifier la perception des plages qu'il avait eu jusqu'alors.
- Le poste de tir qui nous a eu dans sa ligne de mir est située sur le trajet qui doit nous emmener jusqu'aux rebelles.
- Vous en êtes sûr, mon commandant ?
Flinn hocha la tête, catégorique. Il passa son doigt sur les lèvres, fit léviter son autre main sur la sphère modélisée par le projecteur holo installé à même le sable de la plage. Barnard Prime, représenté dans ses circonvolutions et sa géologie complexe luisait de mille feux sous la voûte constellée d'étoile.
- Je suis affirmatif sur ce sujet, reprit Flinn.
- Et je suppose qu'il nous faudra prendre ce même poste de tir ?
Le soldat qui l'interpellait pour la seconde fois ne montrait aucune inquiétude. Sa voix trahissait la simple certitude, le constat du réel qui devait faire fléchir - ou non - les choix tactiques qui seraient pris au cours de cette soirée.
- Hugo Point est une base arrière sans grande envergure. Quelques installations défensives primaires, un générateur électrique de puissance moyenne, de quoi loger dix à quinze personnes, et bien évidemment, ce canon. Il était censé défendre le ciel de Port-Kristian, et sécuriser les convois de minerais jusqu'à leur mise sur orbite. Une précaution établie au temps de feu le Très Saint Oddarick, dans l'éventualité d'une attaque venue du ciel.
- Une précaution qui nous empoisonne, nota Guillhem, silencieux depuis plusieurs heures.
- Une suggestion à faire, adjudant de Choire ? questionna Flinn.
- Je me demandais simplement s'il était bien prudent d'attaquer une place forte sans appui au sol.
- Il reste l'Ankara et son armement, argumenta le Naneyë.
- S'ils tiraient, ils réduiraient en cendre Hugo Point, ainsi qu'une bonne partie de la zone avoisinante. Vue la puissance des canons à bord, je dirais ... Dans un rayon de vingt à trente kilomètres. Les rayonnements exotiques rendraient le terrain inexploitable pour des centaines, voire des milliers d'années. Il se trouve hélas que le sous-sol du secteur d'Hugo Point est aussi riche en minerais rares, sinon plus, que celui de Port Kristian. Et ce qui se trouve en dessous du canon est d'une utilité de premier ordre pour les décennies à venir.
Il avait accompagné sa parole d'un geste franc, pointant le sable sans trembler, sûr de son raisonnement.
- Voilà pourquoi l'Ankara ne peut pas régler seul le problème, conclut-il.
- Une très bonne analyse, nota Flinn.
- Mais un véritable casse-tête. Sans l'Ankara pour nous envoyez des hommes, prendre Hugo Point serait un véritable défi, poursuivit Guillhem.
- Et sans neutraliser le canon qui nous a touché, impossible de faire venir des troupes au sol. Comme le dit un vieil adage, "de deux maux, choisir le moindre". Et c'est exactement ce que nous allons faire, répliqua Flinn.
Un silence pesant s'installa sur le campement. Un feu crépitait dans une âtre de fortune, délimité par quelques galets aux rondeurs parfaites. Tous les militaires groupés autour de la providentielle chaleur semblait attendre un dénouement à cet affrontement de stratégies.
- L'Ankara possède évidemment un tel armement, concéda Flinn. Mais ce n'est pas d'arme aussi puissantes et aussi évidentes dont je voulais parler.
- Et de quoi donc, mon commandant ? interrogea Guillhem.
- Vous ne voyez vraiment pas, adjudant de Choire ?
Un instant s'éternisa. Guillhem plaça un index sur son front, s'y appuya, réfléchit. Une lueur s'installa dans la prunelle de son oeil organique.
- Les départements de tactiques, et plus particulièrement les observatoires, murmura-t-il.
- Exactement, renchérit Flinn. Les capacités d'observation de notre aimable caboteur sont aussi fine que sa puissance de feu est redoutable. Dès qu’une liaison radio sécurisée pourra être durablement établie, nous aurons alors des yeux et des oreilles soigneusement à l'abri pour nous guider. Et nous pourrons alors nous occuper du cas de ce maudit canon.
- Nous ne sommes plus que dix-sept hommes, dont trois ne sont même pas en état de servir, ajouta Guillhem. Je ne suis pas certain que ce rapide calcul...
- Nous sommes des Confrères, coupa Flinn. La fine fleur de la Confédération. Une unité d'élite qui est venu à bout de situation plus périlleuses que celle qui nous attend dès demain. Oui, nous avons perdus près de la moitié de nos camardes. Oui, nous sommes probablement perdant dans un simple compte mathématique des forces en présence. Mais nous sommes bien armés. Nous avons un appui tactique quasi-certain. Et puis nous aurons un très bon effet de surprise qui ne peut que faire basculer la situation en notre faveur, pour peu que nous le conservions intact. Nous arriverons à prendre Hugo Point, nous y tuerons tous les chiens d'hérétiques qui se lèveront face à nos fusils, et nous partirons vers ces points de coordonnées où nous attend notre destin. Notre destin, et notre gloire future.
Un concert d'approbation souleva le coeur de l'assemblée.
- Alors, adjudant de Choire, prendrez-vous le risque de devenir un héros ?
Guillhem toisa Flinn, se leva, se mit au garde à vous, et prononça d'une voix forte.
- Je servirai la Confédération dans la force et dans l'honneur. Le Dieu-Machine est mon maître, et j'en suis à tout jamais le fidèle serviteur.
La nuit fut courte. Le silence des corps composa un écho étonnant au silence des âmes. Guillhem, pourtant, ne sut trouver le sommeil. Il patienta jusqu'à l'aube, dans la clarté de trois des dix-neuf lunes de la planète, le regard vide et porté vers l'horizon teinté d'ambre. Il repensait sans cesse à cet échange vif mais non moins dénué d’intérêt que le commandant lui avait imposé. Il n'avait pas souhaité s'exposer ainsi face à ceux qui avait été forcé de l'accepter parmi eux. Il n'avait jamais voulu se montrer trop orgueilleux ou trop impulsif dans un débat concernant des choix tactiques devant lesquels il avait était contraint de s'incliner. Le Naneyë avait étudié bien plus de possibilités que lui-même, et l'avait adroitement mouché et rallié à son point de vue. L'aube naissante signait le premier acte d'une aventure qu'il savait risquée. Hugo Point pouvait tout aussi bien être l'écrin d'une resplendissante victoire que le caveau verdoyant de leur échec face à une rébellion sûre d'elle. Il partirait dans l'heure suivant le lever de l'étoile de Barnard, avec ou sans liaison stable entre l'Ankara et eux. Flinn en avait décidé ainsi. Pousser le destin lui avait toujours profité. Il n'aurait pas pu se résoudre à fléchir face à l'adversité.
Guillhem observait la nature enchanteresse professer son hommage à l'astre naissant. Le chant de milliers d'oiseaux s'éleva dans le ciel clair au même instant, couvrant jusqu'au bruit du ressac, tirant les endormis de leur repos sans sommations aucunes. Quelques uns s’alertèrent, avant de comprendre la situation. Flinn lui-même grogna des paroles incompréhensibles, avant de se redresser, abruti de rêves et de sensations s'évanouissant face à l'aurore. Un cri, plus vif et frais que les autres, l'incita à sortir définitivement de sa torpeur.
- Sergent Leenk, un problème ?
- Le relais radio est stabilisé, mon commandant. Nous avons un contact direct et permanent avec l'Ankara.
- Tiendra-t-il y compris lorsque nous serons dans la jungle ?
- La faisceau est assez puissant pour ne pas être coupé. La fréquence a été ouverte pour l'occasion.
- Voilà donc une bonne nouvelle. Vous pourrez gérer le relais pendant notre progression ?
- Sans problème, mon commandant. Le matériel tiendra le choc. Et puis je peux moi-même assurer une partie du travail des antennes.
Il tapota son index droit sur une lourde plaque couvrant une bonne moitié de son crâne. Le geste fit sourire l'officier.
- J'oubliais de quoi sont capable des cyborgs, parfois... Vous avez toute ma confiance, sergent.
- Et vous ne serez pas déçu, mon commandant. Vous avez ma parole.
- Dans ce cas ...
Il s'éloigna de quelques pas, et énuméra sans violence ses ordres. Hormis le sergent et Guillhem, quatre sous-officiers composaient à présent l'escouade, parmi lesquels le sergent Raw, pilote dont les talents les avaient sauvés pour partie de la noyade et d'une mort certaine dans les eaux de cet océan à la beauté trompeuse. Raw relayait les ordres de Flinn avec une efficacité redoutable. Il avait trouvé sa place avec une telle aisance qu'il en obscurcissait presque la présence de Guillhem. Seul dans un coin, il patientait, donnant ça et là un peu de sa bonne volonté pour aider à ranger le matériel. Mais dans cette mécanique bien huilée, il était superflu. Ses estimations d'un départ après l'aube furent vitre contrarié, tant les Externes avaient été rapide à défaire les traces de leur passage. Moins d'une trentaine de minutes après leur réveil, les hommes de l'escouade ne laissait derrière eux que le trace noircie d'un feu de camp sur une plage déserte, un tas de cendre encore fumant qui élevait les restes de son activité en une suie légère, volant au vent de l'aube, tandis que le soleil de Barnard Prime venait d'effleurer la rectitude du sol.
Les balises radios planté dans le sol aurait pû être les totems d'une modernité aux dieux étranges. Un grésillement continu emplissait les écouteurs et les senseurs auditifs. Avec ironie, Guillhem songea que la voix des morts pouvait très bien ressembler à ce bruit blanc, sans but, qui toujours accompagnait les guerriers dans leur œuvre, où qu'ils aillent. Et que les prières, les génuflexions, les attitudes pieuses et les superstitions ne constituaient qu'une robe de cérémonie pour une prêtrise dont la religion n'aurait pas su le vêtir autrement. Rendre hommage aux disparus lui avait paru évident au début, mais les litanies qui s'égrenaient dans l'air fraîchissant depuis près de deux heures le rendait plus enclin à la sobriété et au recueillement silencieux, à la solitude que rien ne peut apaiser ou faire disparaître. L'effet de groupe qu'il observait d'un œil discret l'en aurait presque rendu malade. Mais il ne pouvait ni ne devait en aucun cas venir perturber le cérémoniel. Aussi futile trouvait-il cette pompe, il ne pouvait que comprendre l'horrible nécessite du sacrifice que représentait les vies perdues, les soldats et les frères d'armes à peine entrevus dans la navette et dont toute la teneur de leurs vies n'était qu'un épais mystère. Il éprouvait un respect certain et une empathie étrange pour eux. Ils ne s'étaient pas battus, mais ces militaires là se voyaient gonflé d’orgueil et d'honneur par leur disparition. Une situation étrange, que Guillhem n'avait jamais observé, jamais interprété, et qui devait pour toujours modifier la perception des plages qu'il avait eu jusqu'alors.
- Le poste de tir qui nous a eu dans sa ligne de mir est située sur le trajet qui doit nous emmener jusqu'aux rebelles.
- Vous en êtes sûr, mon commandant ?
Flinn hocha la tête, catégorique. Il passa son doigt sur les lèvres, fit léviter son autre main sur la sphère modélisée par le projecteur holo installé à même le sable de la plage. Barnard Prime, représenté dans ses circonvolutions et sa géologie complexe luisait de mille feux sous la voûte constellée d'étoile.
- Je suis affirmatif sur ce sujet, reprit Flinn.
- Et je suppose qu'il nous faudra prendre ce même poste de tir ?
Le soldat qui l'interpellait pour la seconde fois ne montrait aucune inquiétude. Sa voix trahissait la simple certitude, le constat du réel qui devait faire fléchir - ou non - les choix tactiques qui seraient pris au cours de cette soirée.
- Hugo Point est une base arrière sans grande envergure. Quelques installations défensives primaires, un générateur électrique de puissance moyenne, de quoi loger dix à quinze personnes, et bien évidemment, ce canon. Il était censé défendre le ciel de Port-Kristian, et sécuriser les convois de minerais jusqu'à leur mise sur orbite. Une précaution établie au temps de feu le Très Saint Oddarick, dans l'éventualité d'une attaque venue du ciel.
- Une précaution qui nous empoisonne, nota Guillhem, silencieux depuis plusieurs heures.
- Une suggestion à faire, adjudant de Choire ? questionna Flinn.
- Je me demandais simplement s'il était bien prudent d'attaquer une place forte sans appui au sol.
- Il reste l'Ankara et son armement, argumenta le Naneyë.
- S'ils tiraient, ils réduiraient en cendre Hugo Point, ainsi qu'une bonne partie de la zone avoisinante. Vue la puissance des canons à bord, je dirais ... Dans un rayon de vingt à trente kilomètres. Les rayonnements exotiques rendraient le terrain inexploitable pour des centaines, voire des milliers d'années. Il se trouve hélas que le sous-sol du secteur d'Hugo Point est aussi riche en minerais rares, sinon plus, que celui de Port Kristian. Et ce qui se trouve en dessous du canon est d'une utilité de premier ordre pour les décennies à venir.
Il avait accompagné sa parole d'un geste franc, pointant le sable sans trembler, sûr de son raisonnement.
- Voilà pourquoi l'Ankara ne peut pas régler seul le problème, conclut-il.
- Une très bonne analyse, nota Flinn.
- Mais un véritable casse-tête. Sans l'Ankara pour nous envoyez des hommes, prendre Hugo Point serait un véritable défi, poursuivit Guillhem.
- Et sans neutraliser le canon qui nous a touché, impossible de faire venir des troupes au sol. Comme le dit un vieil adage, "de deux maux, choisir le moindre". Et c'est exactement ce que nous allons faire, répliqua Flinn.
Un silence pesant s'installa sur le campement. Un feu crépitait dans une âtre de fortune, délimité par quelques galets aux rondeurs parfaites. Tous les militaires groupés autour de la providentielle chaleur semblait attendre un dénouement à cet affrontement de stratégies.
- L'Ankara possède évidemment un tel armement, concéda Flinn. Mais ce n'est pas d'arme aussi puissantes et aussi évidentes dont je voulais parler.
- Et de quoi donc, mon commandant ? interrogea Guillhem.
- Vous ne voyez vraiment pas, adjudant de Choire ?
Un instant s'éternisa. Guillhem plaça un index sur son front, s'y appuya, réfléchit. Une lueur s'installa dans la prunelle de son oeil organique.
- Les départements de tactiques, et plus particulièrement les observatoires, murmura-t-il.
- Exactement, renchérit Flinn. Les capacités d'observation de notre aimable caboteur sont aussi fine que sa puissance de feu est redoutable. Dès qu’une liaison radio sécurisée pourra être durablement établie, nous aurons alors des yeux et des oreilles soigneusement à l'abri pour nous guider. Et nous pourrons alors nous occuper du cas de ce maudit canon.
- Nous ne sommes plus que dix-sept hommes, dont trois ne sont même pas en état de servir, ajouta Guillhem. Je ne suis pas certain que ce rapide calcul...
- Nous sommes des Confrères, coupa Flinn. La fine fleur de la Confédération. Une unité d'élite qui est venu à bout de situation plus périlleuses que celle qui nous attend dès demain. Oui, nous avons perdus près de la moitié de nos camardes. Oui, nous sommes probablement perdant dans un simple compte mathématique des forces en présence. Mais nous sommes bien armés. Nous avons un appui tactique quasi-certain. Et puis nous aurons un très bon effet de surprise qui ne peut que faire basculer la situation en notre faveur, pour peu que nous le conservions intact. Nous arriverons à prendre Hugo Point, nous y tuerons tous les chiens d'hérétiques qui se lèveront face à nos fusils, et nous partirons vers ces points de coordonnées où nous attend notre destin. Notre destin, et notre gloire future.
Un concert d'approbation souleva le coeur de l'assemblée.
- Alors, adjudant de Choire, prendrez-vous le risque de devenir un héros ?
Guillhem toisa Flinn, se leva, se mit au garde à vous, et prononça d'une voix forte.
- Je servirai la Confédération dans la force et dans l'honneur. Le Dieu-Machine est mon maître, et j'en suis à tout jamais le fidèle serviteur.
La nuit fut courte. Le silence des corps composa un écho étonnant au silence des âmes. Guillhem, pourtant, ne sut trouver le sommeil. Il patienta jusqu'à l'aube, dans la clarté de trois des dix-neuf lunes de la planète, le regard vide et porté vers l'horizon teinté d'ambre. Il repensait sans cesse à cet échange vif mais non moins dénué d’intérêt que le commandant lui avait imposé. Il n'avait pas souhaité s'exposer ainsi face à ceux qui avait été forcé de l'accepter parmi eux. Il n'avait jamais voulu se montrer trop orgueilleux ou trop impulsif dans un débat concernant des choix tactiques devant lesquels il avait était contraint de s'incliner. Le Naneyë avait étudié bien plus de possibilités que lui-même, et l'avait adroitement mouché et rallié à son point de vue. L'aube naissante signait le premier acte d'une aventure qu'il savait risquée. Hugo Point pouvait tout aussi bien être l'écrin d'une resplendissante victoire que le caveau verdoyant de leur échec face à une rébellion sûre d'elle. Il partirait dans l'heure suivant le lever de l'étoile de Barnard, avec ou sans liaison stable entre l'Ankara et eux. Flinn en avait décidé ainsi. Pousser le destin lui avait toujours profité. Il n'aurait pas pu se résoudre à fléchir face à l'adversité.
Guillhem observait la nature enchanteresse professer son hommage à l'astre naissant. Le chant de milliers d'oiseaux s'éleva dans le ciel clair au même instant, couvrant jusqu'au bruit du ressac, tirant les endormis de leur repos sans sommations aucunes. Quelques uns s’alertèrent, avant de comprendre la situation. Flinn lui-même grogna des paroles incompréhensibles, avant de se redresser, abruti de rêves et de sensations s'évanouissant face à l'aurore. Un cri, plus vif et frais que les autres, l'incita à sortir définitivement de sa torpeur.
- Sergent Leenk, un problème ?
- Le relais radio est stabilisé, mon commandant. Nous avons un contact direct et permanent avec l'Ankara.
- Tiendra-t-il y compris lorsque nous serons dans la jungle ?
- La faisceau est assez puissant pour ne pas être coupé. La fréquence a été ouverte pour l'occasion.
- Voilà donc une bonne nouvelle. Vous pourrez gérer le relais pendant notre progression ?
- Sans problème, mon commandant. Le matériel tiendra le choc. Et puis je peux moi-même assurer une partie du travail des antennes.
Il tapota son index droit sur une lourde plaque couvrant une bonne moitié de son crâne. Le geste fit sourire l'officier.
- J'oubliais de quoi sont capable des cyborgs, parfois... Vous avez toute ma confiance, sergent.
- Et vous ne serez pas déçu, mon commandant. Vous avez ma parole.
- Dans ce cas ...
Il s'éloigna de quelques pas, et énuméra sans violence ses ordres. Hormis le sergent et Guillhem, quatre sous-officiers composaient à présent l'escouade, parmi lesquels le sergent Raw, pilote dont les talents les avaient sauvés pour partie de la noyade et d'une mort certaine dans les eaux de cet océan à la beauté trompeuse. Raw relayait les ordres de Flinn avec une efficacité redoutable. Il avait trouvé sa place avec une telle aisance qu'il en obscurcissait presque la présence de Guillhem. Seul dans un coin, il patientait, donnant ça et là un peu de sa bonne volonté pour aider à ranger le matériel. Mais dans cette mécanique bien huilée, il était superflu. Ses estimations d'un départ après l'aube furent vitre contrarié, tant les Externes avaient été rapide à défaire les traces de leur passage. Moins d'une trentaine de minutes après leur réveil, les hommes de l'escouade ne laissait derrière eux que le trace noircie d'un feu de camp sur une plage déserte, un tas de cendre encore fumant qui élevait les restes de son activité en une suie légère, volant au vent de l'aube, tandis que le soleil de Barnard Prime venait d'effleurer la rectitude du sol.
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